Quand une même infraction au règlement de copropriété est réitérée chaque année à l’occasion de l’exploitation saisonnière des locaux commerciaux, un nouveau délai de prescription ne recommence pas à courir à chaque nouvelle infraction.
Cass. 3e civ. 24-11-2021 n° 20-20.090 FS-D, Synd. copr. de la résidence Ederra
Le syndicat des copropriétaires a assigné les propriétaires de locaux commerciaux, exploités pendant la saison touristique, afin qu’ils cessent d’occuper les parties communes se trouvant devant leurs locaux. Ceux-ci soutenaient que l’action du syndicat était prescrite faute d’avoir été intentée dans le délai de 10 ans prévu par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
La cour d’appel a déclaré l’action du syndicat recevable en retenant que, lorsque l’occupation des lieux est temporaire du fait d’une exploitation saisonnière qui se répète d’année en année, les lieux étant rendus en fin de saison à leurs aspect et destination initiaux, chaque nouvelle occupation constitue le point de départ d’une nouvelle prescription décennale.
L’arrêt est cassé, au visa de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 : la cour d’appel ne pouvait statuer ainsi alors qu’il résultait de ses constatations qu’il s’agissait de la même infraction au règlement de copropriété qui s’était répétée, sans interruption, à chaque saison, de sorte que chaque nouvelle occupation ne constituait pas le point de départ d’une nouvelle prescription décennale.
En effet, les actions entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivaient par 10 ans (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 42 dans sa rédaction antérieure à loi 2018-1021 du 23-11-2018). Ce délai a été ramené à 5 ans par la loi Élan du 23 novembre 2018.
Le délai de prescription court dès la commission de l’infraction ou, plus exactement, dès la connaissance de l’infraction par le titulaire de l’action (Cass. 3e civ. 12-4-2018 n° 17-12.574 F-D : BPIM 3/18 inf. 218 ; Cass. 3e civ. 20-5-2021 n° 20-15.449 F-D). En cas de violations réitérées au règlement de copropriété, la Cour de cassation juge que le délai de prescription court à compter de la première infraction lorsque la ou les suivantes sont identiques et répétées de manière ininterrompue. Ainsi, en cas d’affectation irrégulière d’un lot à une activité commerciale, dans le cadre de locations successives ininterrompues, le délai court dès la date de la première location (Cass. 3e civ. 9-6-1993 n° 90-18.043)
Dans l’affaire commentée ici, l’occupation des parties communes devant les boutiques n’était pas continue. En raison de l’exploitation saisonnière des commerces considérés, l’occupation litigieuse cessait en fin de saison, mais elle se répétait tous les ans. La cour d’appel en a déduit que chaque nouvelle occupation annuelle faisait partir un nouveau délai de prescription décennal. Cette analyse n’a pas convaincu la Cour de cassation, qui considère à l’inverse que, dès lors qu’il s’agit de la même infraction se répétant année après année sans interruption, le délai de prescription ne recommence pas à courir à chaque nouvelle occupation. C’est, en effet, la même infraction qui perdure, laquelle, bien que non continue, n’en est pas moins ininterrompue dès lors qu’elle est réitérée à chaque saison.