Les commerçants ont été fortement impactés par la crise sanitaire, d’autant plus pour ceux qui ont été soumis à des fermetures administratives imposées par le gouvernement pour tenter de contenir la propagation du virus.
C’est dans ce contexte d’épidémie mondiale que la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 a été adoptée. L’objectif de ce texte étant de protéger les preneurs de locaux commerciaux en difficulté.
Ainsi, l’article 14 de ladite loi ordonne la suspension des actions fondées sur le non-paiement des loyers des locaux affectés par des mesures administratives.
Ces actions ne peuvent donc être intentées par les bailleurs depuis le 12 mars 2020 se poursuivant encore dans les deux mois qui suivront la levée de l’état d’urgence sanitaire (le 1er juin 2021).
De ce fait, toutes les actions engagées dans le but de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail ne devraient pas être accueillies par les tribunaux avant la fin de la période évoquée.
Cependant, la Cour d’appel de Riom, dans un arrêt du 2 mars dernier, a constaté l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial du fait du non-paiement des loyers par le preneur, alors même que les seuls loyers impayés dataient de la période visée par l’article 14 de la loi du 14 novembre (CA Riom, 2 mars 2021, n°20/01418).
Cet arrêt marque donc une prise de position de la Cour d’appel en opposition avec le droit positif.
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Riom a été plus loin en ayant recours à la bonne foi du bailleur, qui avait proposé un plan d’étalement de paiement des dettes alors même que la fermeture des locaux était due à l’application de mesures de police administratives. Il semble donc que face à des textes protégeant exclusivement les preneurs à bail, les juges tentent de rééquilibrer le rapport avec les bailleurs, eux aussi touchés par la crise sanitaire.
C’est en ce sens que la Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 31 Mars 2021 (n° 20/05237), a tenté de préciser les exceptions inopposables au bailleur en ce temps de crise :
Si la crise sanitaire a un impact certain sur la capacité des locataires à payer leurs loyers, elle ne rend pas la réalisation de cette obligation pécuniaire impossible, et ne peut donc pas être qualifiée d’irrésistible. La situation sanitaire en elle-même ne revêt ainsi pas le caractère de force majeure. Par ailleurs, ce sont les mesures de police qui imposent la fermeture des locaux commerciaux, et non pas le Covid-19 lui-même. Les difficultés à payer les loyers ne sont donc que des conséquences indirectes de la crise sanitaire.
La perte temporaire de la chose louée ne peut non plus être opposée au bailleur commercial. C’est uniquement en cas de destruction partielle ou totale du bien loué que cela est possible. Les juges refusent donc explicitement d’assimiler l’impossibilité d’exploitation à une quelconque destruction du local.
Enfin, toujours selon la Cour d’appel de Lyon, il est impossible de soulever l’exception d’inexécution si le bailleur a bien mis à la disposition du preneur le local.
Cependant, la Cour d’appel de Versailles, le 6 mai 2021 (n°20/04284 & n°20/04845), dans deux arrêts, a reconnu le caractère de force majeur à la crise sanitaire, rejetant donc la responsabilité du bailleur du fait de l’impossibilité pour le locataire d’exploiter le local commercial.
En revanche, elle a relevé que l’impossibilité d’exploiter le local dans les termes prévus au contrat (restaurant sans vente à emporter) revenait à une perte partielle de la chose louée, qui pouvait justifier d’une baisse des loyers sur la période de fermeture administrative au sens de l’article 1722 du code civil.
Bien que le gouvernement ait fortement soutenu les commerces concernés par les mesures de fermeture administrative, certains d’entre eux risquent fortement de devoir déposer le bilan dans les mois à venir.
En effet, selon le cabinet Euler Hermès, 60.000 entreprises pourraient faire faillite en 2021. Dès lors, une procédure collective sera ouverte, pour tenter de redresser la société, et si cela s’avère impossible, la placer en liquidation judiciaire.
Face à cette procédure, deux options seraient envisageables pour les bailleurs :
Tenter de résilier le bail avant l’ouverture de la procédure collective. Cependant, cela implique de se présenter à la procédure en tant que créancier « chirographaire », ce qui signifie qu’en l’absence de sûreté (ex : une caution), les créanciers titulaires d’une sûreté légale ou contractuelle seront remboursés en premier. Ici, il sera nécessaire de déclarer sa créance dès réception de la notification d’ouverture de la procédure.
Par ailleurs, si le bail court encore et que la procédure est ouverte, l’article L622-16 du code de commerce attribue au bailleur le statut de créancier « privilégié » sur les loyers des deux années précédant la procédure. Concernant les loyers impayés au cours de la procédure, la doctrine admet que le bailleur sera remboursé juste après les salariés et les frais de justice.