La loi ELAN du 23 novembre 2018 avait annoncé une réforme à venir en matière de copropriété.
Cette réforme a été formalisée par l’ordonnance du 30 octobre 2019 n°2019-1101 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis.
Les mesures portées par l’ordonnance sont applicables, pour la majorité d’entre elles, depuis le 1er juin 2020.
Les mesures les plus importantes s’articulent autour des 3 acteurs majeurs de la copropriété (A) : le syndicat des copropriétaires (I), le syndic (II) et le conseil syndical (III).
Enfin, il conviendra également d’analyser dans quelle mesure, cette réforme va permettre de moderniser et faciliter les rapports au sein de la copropriété (B).
A. Les modifications apportées aux pouvoirs des acteurs majeurs de la copropriété
I. Le syndicat des copropriétaires
L’ensemble des copropriétaires de l’immeuble est fictivement réuni en un syndicat de copropriétaires qui a la personnalité morale. Ce même syndicat élit un syndic chargé de le représenter, d’agir en son nom et pour son compte, auprès des tiers et en justice, le cas échéant.
Depuis le 1er juin 2020, le syndicat des copropriétaires voit tant ses devoirs que sa responsabilité accrus :
• Jusqu’à ce jour, le rôle du syndicat des copropriétaires était de veiller à la bonne administration et la bonne gestion des parties communes de l’immeuble.
Désormais, ses attributions ainsi que sa responsabilité sont étendues, dans la mesure où il doit à présent, non plus seulement veiller à la bonne administration des parties communes, mais aussi œuvrer en vue de leur amélioration.
Cet ajout a été jugé nécessaire face à des immeubles en copropriété de plus en plus anciens et pour lesquels il est urgent d’entreprendre des travaux de rénovation profonde.
• La responsabilité du syndicat des copropriétaires est également étendue en ce qui concerne les dommages faits aux tiers ainsi qu’aux copropriétaires.
Auparavant, le syndicat était responsable des dommages occasionnés par un vice de construction ou un défaut d’entretien des parties communes. Il s’agissait donc d’une responsabilité limitée.
Désormais, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages faits aux tiers et aux copropriétaires peu importe l’origine du dommage.
L’ordonnance du 30 octobre 2019 ne modifie pas substantiellement le droit applicable à la responsabilité du syndicat de copropriété pour un dommage ayant son origine dans une partie commune. En revanche, un changement plus notable pourrait intervenir pour la responsabilité spéciale du syndicat pour un dommage causé par la réalisation de travaux décidés par l’assemblée générale dans l’intérêt de la collectivité.
Avec la réforme, cela signifie que le syndicat engage sa responsabilité en cas de dommages ayant sa source dans une partie commune, affectant un copropriétaire de l’immeuble ou un tiers à l’immeuble.
En résumé, les syndicats de copropriétaires vont devoir être plus vigilants qu’auparavant et veiller à ce que l’immeuble, dont ils sont copropriétaires indivis, soit conservé en bon état de réparations afin d’éviter tout risque pour la santé et la tranquillité de ses habitants et même de ses visiteurs, tiers à la copropriété.
2. Le syndic
Le syndic est l’organe représentant le syndicat des copropriétaires auprès des tiers, et en justice si une action devait être intentée.
Le syndic conclut les contrats au nom et pour le compte de la copropriété. A ce titre, il a notamment l’obligation d’assurer la conservation des archives du syndicat des copropriétaires.
Voici les principales mesures portées par la réforme impactant le syndic :
• En cas de changement dans la personne du syndic, l’ancien syndic doit assurer la transmission d’un ensemble de documents auprès du nouveau syndic. Dorénavant, il dispose d’un délai de 15 jours, à compter de la désignation du nouveau syndic, pour lui transmettre, la situation de trésorerie, les références des comptes bancaires ouverts pour le syndicat, ainsi que les coordonnées de la banque.
• Il doit également transmettre les documents et archives du syndicat des copropriétaires et fournir l’état des comptes.
A l’égard du conseil syndical, le syndic a l’obligation dorénavant, à peine de pénalités, de lui transmettre les pièces que le conseil syndical lui demande. Passé un mois d’attente, des pénalités s’appliquent.
• En ce qui concerne la résiliation du contrat du syndic est également modifiée avec la réforme. Le contrat de syndic reste un contrat à durée déterminée, approuvé par décision expresse de l’assemblée générale des copropriétaires.
Jusqu’à présent, le syndic devait se mettre en concurrence, de lui-même, en présentant à l’assemblée générale des copropriétaires, tous les 3 ans, d’autres contrats de syndic provenant d’autres cabinets concurrents.
A compter du 1er juin 2020, la période de 3 ans disparaît.
Dorénavant, il sera possible de prévoir que le contrat de syndic ne sera plus d’une durée de 3 ans mais par exemple d’un an.
Dans ce cas, si le contrat de syndic est d’un an, alors tous les ans, la mise en concurrence devra être effectuée par le syndic en exercice, au cours de l’assemblée générale.
Précisément, dans les trois mois précédant le terme du contrat de syndic, est portée à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, la mise en concurrence. L’assemblée générale désigne un nouveau syndic et fixe les dates de fin de contrat et de prise d’effet du nouveau contrat.
Le contrat de syndic peut aussi être résilié en cas d’inexécution grave venant du syndic ou du syndicat des copropriétaires. En effet, on l’a vu, le contrat de syndic pourra dorénavant être résilié au cours des trois mois précédant la fin de son contrat sans indemnisation.
En outre, il pourra également être résilié, soit à l’initiative du syndic lui-même ou du syndicat des copropriétaires, en cas de faute grave d’inexécution.
Avant la réforme la loi ne prévoyait expressément qu’un seul motif de révocation du syndic de copropriété, qui était le défaut de réalisation de la fiche synthétique. Cette dernière regroupe l’ensemble des données financières et techniques de la copropriété et est obligatoire dans toutes les copropriétés depuis décembre 2018.
• La réforme apporte une autre nouveauté aux attributions et pouvoirs du syndic, il peut percevoir une rémunération complémentaire à l’occasion de prestations qui ne relèvent pas de la gestion courante. Si tel est le cas, le contrat de syndic doit prévoir dans une annexe, une fiche d’informations sur le prix et les prestations annexes proposées par le syndic.
Malgré cette dernière avancée, le syndic a dans l’ensemble été malmené par cette réforme, face à un conseil syndical aux pouvoirs de plus en plus importants.
3. Le conseil syndical
Voici les principales mesures portées par la réforme impactant le conseil syndical:
• Le Président du conseil syndical peut dorénavant, en cas de carence et d’inaction du syndic, et sur délégation expresse de l’assemblée générale, exercer une action en justice contre le syndic, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires.
Si l’immeuble ne comporte pas de conseil syndical, cette action peut être exercée par plusieurs copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires.
Dorénavant, les personnes pouvant devenir membres du conseil syndical pourront être des ascendants et des descendants d’un copropriétaire de l’immeuble.
• Le point sur lequel la réforme a considérablement accru les pouvoirs du conseil syndical, est précisément le mécanisme de la délégation expresse.
Dorénavant, l’assemblée générale des copropriétaires peut déléguer au conseil syndical, le pouvoir de prendre seul des décisions relevant en principe d’un vote à la majorité simple de l’assemblée générale (article 24 de la loi du 10 juillet 1965).
Pour cela, il faut avoir obtenu la délégation expresse de l’assemblée générale, qui doit avoir voté cette délégation à la majorité des voix de tous les copropriétaires.
Ainsi, l’action du conseil syndical reste sous le contrôle et l’aval a priori de l’assemblée générale des copropriétaires.
En revanche, certains sujets restent totalement exclus de la délégation expresse, et précisément :
La question de l’approbation des comptes,
La détermination du budget prévisionnel,
L’adaptation du règlement de copropriété aux évolutions législatives et jurisprudentielles.
Ces matières restent de la compétence et du pouvoir exclusif de décision de l’assemblée générale.
Pour pouvoir exercer la délégation expresse qui lui est confiée, les décisions du conseil syndical sont prises à la majorité de ses membres.
La durée de la délégation expresse est de deux ans au maximum. Le syndicat des copropriétaires va devoir souscrire un contrat d’assurance responsabilité civile pour chacun des membres du conseil syndical.
Enfin, le Président du Conseil syndical va dorénavant pouvoir agir en justice contre le syndic. Si le syndic est condamné, les dommages-intérêts seront versés au syndicat des copropriétaires. Là aussi le Président ne peut pas agir seul, mais sur délégation expresse de l’assemblée générale à la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires).
B. Une réforme qui annonce plus de modernité et de flexibilité dans les copropriétés
1. Faciliter la prise de décisions
La réforme a aussi pour objectif de faciliter la prise de décisions au sein des copropriétés. Face à l’absentéisme croissant dans les assemblées générales, le législateur a pris conscience qu’il était impératif d’innover et d’imaginer d’autres formes de participation, notamment dématérialisée.
Par exemple, les votes par correspondance doivent être pris en compte au même titre que les votes des personnes présentes et représentées. Comment cela se matérialise-t-il ?
Avant la tenue de l’assemblée générale, le copropriétaire qui ne pourra pas assister physiquement à l’assemblée, remplit un formulaire avec des consignes de vote sur les résolutions portées à l’ordre du jour, qu’il remet au syndic.
De plus, la réforme assouplit les conditions de votes en favorisant les votes à la majorité simple.
Par exemple, il s’agissait d’obtenir la majorité qualifiée pour les prises de décisions suivantes, notamment :
• la désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du conseil syndical;
• la suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène ;
• l’installation de compteurs d’eau froide divisionnaires ;
• etc.
Le but de la réforme a été de moderniser, simplifier et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété en facilitant les règles relatives à la prise de décisions.
2. Faciliter la gestion
Afin d’assouplir la gestion des immeubles en copropriété, la réforme prévoit que dorénavant, si une même copropriété comprend plusieurs bâtiments, il pourra être créée un ou plusieurs syndicats secondaires.
En outre, si un copropriétaire souhaite la tenue d’une assemblée générale, il pourra la demander et la tenue se fera cependant à ses frais.
Modernité, souplesse et flexibilité sont les maîtres mots de la réforme de la copropriété pour 2020.